"Les rêves les mieux interprétés gardent souvent un point obscur; on remarque là un noeud de pensées que l'on ne peut défaire, mais qui n'apporterait rien de plus au contenu du rêve.C'est "l'ombilic" du rêve, le point où il se rattache à l'Inconnu. Les pensées du rêve que l'on rencontre pendant l'interprétation n'ont en général pas d'aboutissement, elles se ramifient en tous sens dans le réseau enchevêtré de nos pensées. Le désir du rêve surgit d'un point plus épais de ce tissu, comme le champignon de son mycellium.
Revenons à l'oubli du rêve. Nous avons négligé d'en tirer une conclusion importante. S'il est évident que l'état de veille veut oublier le rêve, soit d'un seul coup au réveil, soit par fragments pendant la journée, et que le principal agent de cet oubli, est la résistance psychique qui a déjà pendant la nuit, fait tout ce qu'elle pouvait contre le rêve, comment expliquer que le rêve ait pu se former malgré la résistance ? ... Concluons donc que la nuit la résistance s'affaiblit; nous savons qu'elle n'est pas abolie puisque nous avons pu montrer son rôle au cours de la formation des rêves par la déformation ... La psychologie descriptive nous a appris que la condition essentielle de la formation des rêves est le sommeil de l'esprit; à quoi nous pouvons ajouter : le sommeil permet la formation des rêves parce qu'il diminue la censure endopsychique."

Sigmund Freud (1900), Die Traumdeutung, 1926. tr.fr. L'interprétation des rêves, Ch. VII, PUF, 1926, 1967.