"Dans la psychologie fondée sur la psychanalyse, nous nous sommes habitués à partir des processus psychiques inconscients, dont les caractères propres nous ont été révelés par l'analyse. Nous tenons ces processus pour les plus anciens, pour primaires; nous pensons qu'en eux se perpétue une phase de développement pendant laquelle il n'y avait pas d'autre sorte de processus psychiques. La tendance maitresse à laquelle ces processus obéissent, est aisée à reconnaître; on la désigne comme processus de plaisir-déplaisir (ou, plus brièvement, principe de plaisir). Ces processus tendent à l'obtention du plaisir; l'activité psychique se retire des opérations qui peuvent succiter du déplaisir. Nos rêves nocturnes, notre tendance pendant la veille à nous arracher aux impressions pénibles, sont des restes de la domination de ce principe et des preuves de son emprise.

J'en reviens à des pensées que j'ai développées ailleurs (dans la partie théorique de l'Interprétation du rêve) lorsque je suppose que l'état de repos psychique a été troublé initialement par les exigences impérieuses des besoins intérieurs. Dans ce cas ce qui était pensé (désiré) était simplement posé de façon hallucinatoire, comme il arrive aujourd'hui encore chaque nuit avec nos pensées de rêve. C'est seulement le défaut persistant de la satisfaction attendue, la déception, qui a entraîné l'abandon de cette tentative de satisfaction par le moyen de l'hallucination. A sa place, l'appareil psychique dut se résoudre à représenter l'état réel du monde extérieur et à rechercher une modification réelle. Par là un nouveau principe de l'activité psychique était introduit : ce qui était représenté, ce n'était plus ce qui était agréable, mais ce qui était réel, même si cela devait être désagréable. Avec cette instauration du principe de réalité un pas était franchi, qui s'avéra riche en conséquences."
S. Freud (1911), Formulations sur les deux principes du cours des évènements psychiques, in Résultas, idées, problèmes, PUF. and Marc Chagall, Fiddler