samedi 20 mars 2010

Zona erogena

"Une période fructueuse de traitements débuta après la découverte du motif de la première conversion. La malade commença par me surprendre en m'annonçant qu'elle savait maintenant pour quelle raison les douleurs partaient toujours d'un point déterminé de la cuisse droite et y étaient toujours les plus violentes. C'était justement l'endroit où, chaque matin, son père posait sa jambe très enflée, lorsqu'elle en changeait les bandages. Cela lui était arrivé au moins une centaine de fois et, chose bizzare, elle n'y avait jamais pensé jusqu'à ce jour; elle me livrait ainsi l'explication de la formation d'une zone hystérogène atypique. En outre, les jambes douloureuses commencèrent elles aussi à "parler" pendant nos séances d'analyse. Expliquons nous cet étrange état des choses: en général, au moment où nous commencions notre travail, la malade ne souffrait pas; lorsque par mes questions ou en appuyant sur sa tête, j'éveillais quelque souvenir, une sensation douloureuse se produisait. Elle était même généralement si intense que la malade se contractait et portait la main à l'endroit douloureux. Cette souffrance ainsi réveillée persistait tant que la patiente était la proie du souvenir; elle atteignait son point culminant à l'instant où elle allait révéler des faits essentiels et décisifs, pour disparaître avec les derniers mots de son récit. J'appris peu à peu à me servir de l'éveil de cette douleur comme d'une boussole. Lorsqu'il lui arrivait de se taire sans que la douleur eut cessé, je savais qu'elle n'avait pas encore tout dit et j'insistais pour qu'elle continua cette confession jusqu'au moment où celle-ci avait supprimé la douleur. C'est alors seulement que j'éveillais un nouveau souvenir." Joseph Breuer, Sigmund Freud (1895), Etudes sur l'hystérie, PUF, 1956. and Michelangelo Merisi da Caravaggio (1602), San Giovanni Batista, Galleria Doria Pamphilj, Roma.

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