mardi 20 avril 2010

Dear mother

"Pour ma part, je n'ai plus eu de rêves d'angoisse depuis de longues années, mais je m'en rappelle un que j'ai eu vers sept ou huit ans et que j'ai interprété environ trente ans après. Il était extrèment net et me montrait ma "mère chérie" avec une expression du visage particulièrement tranquille et endormie, portée dans sa chambre et étendue sur le lit par deux ou trois personnages munis de becs d'oiseaux. Je me réveillai pleurant et criant, et troublai le sommeil de mes parents. Les personnages très allongés, bizarrement drapés, à becs d'oiseaux, je les avais empruntés à la bible de Philippson. Je crois que c'étaient des dieux à tête d'épervier appartenant à un bas-relief funéraire égyptien. A part cela, l'analyse m'offre le souvenir d'un fils de concierge mal élévé qui avait coutume de jouer avec nous dans la prairie devant la maison; je crois bien qu'il s'appelait Philippe. Il me semble ensuite que j'ai dû entendre pour la première fois de la bouche de ce garçon le mot vulgaire par lequel on désigne le commerce sexuel et que les gens cultivés appelent du mot latin coïtus mais qu'illustrait suffisamment le choix des têtes d'épervier (dans l'argot allemand on dit völgen, de vogel, oiseau). J'avais dû sans doute deviné la signification sexuelle de ce mot à la mine de ce maître si averti des choses de l'existence. L'expression du visage de ma mère dans le rêve était celle de mon grand-père que j'avais vu peu de jours avant sa mort, râlant et dans le coma. Le sens de l'élaboration secondaire du rêve doit être la mort de ma mère, c'est ce que prouve aussi le bas-relief funéraire. c'est dans cette angoisse que je m'éveillai et je n'eus de cesse que je n'eusse éveillé mes parents. Je me rappelle que je me calmai subitement en apercevant ma mère, comme si j'avais eu besoin d'être rassuré contre sa mort. Mais cette seconde interprétation a eu lieu sous l'influence d'une angoisse déjà développée. Ce n'est pas parceque j'avais rêvé la mort de ma mère que j'étais angoissé, mais c'est parce que j'étais angoissé que mon élaboration préconsciente a interprété ainsi le rêve. Mais mon angoisse, effet du refoulement, peut se ramener à un désir obscur, manifestement sexuel, qu'exprime bien le contenu visuel du rêve." Sigmund Freud (1900), in L'interprétation des rêves, ch . 7, IV, "Le réveil par le rêve", tr. fr. PUF, Paris. (1929), Die Traumdeutung, Gesammelte Werke, t. II-III. and Antonio Canova, Psyché et l'amour, 1793, Le Louvre, Paris.

samedi 17 avril 2010

Sleeping

"In Ernest Hemminguay's short story " Now I lay Me", Nicks Adams, the writer's alter ego, stays up at night listenning to the silk worms feeding on mulberry leaves outside his army tent in Italy. Hemminguay had himself developped insomnia so severe that he was afraid to go to bed with the lights out. He struggled with spleeplessness the whole rest of his life, although this issue was often hard to separate from his other ailments. "I myself did not want to sleep", he writes, "because I had been living for a long time with the knowledge that if I ever shut my eyes in the dark and let myself go, my soul would go out of my body" ... But when someone says "I don't sleep", what exalty do they mean ?
Most people who complain that they can't sleep usualy mean that they do indeed sleep, but not long or deep enough. Perhaps a job loss or divorce is a blame, and in such cases, the insomnia usually resolves itself with time. When the insomnia is a symptom of underlying depression, a combination of therapy and anti-depressants can work ... Insomnia is a unique disorder in that the patient is also the chief dignostician. The American Academy of Sleep Medecine recomends overnight studies for all people with sleep complaints. If you're told you have insomnia, which you knew anyway, what can be done ? Often sleep doctors will prescribe cognitive behavioral therapy, which involves a set of "sleep-hygiene" rules, like advoiding stimulants and alcohols, regularizing bedtime and wake-up time, and using the bed only for sleep and sex ! While in theory "sleep hygiene " makes sense, in today's culture, which affords no time for relaxation, it's hard to put into practice ... We're on the computer at all hours and then we snuggle with our Blackberries. Our kids are even more hyperactive, texting way past their bedtimes, although today even the concept of "bedtime" sounds quaint. To compensate for being so tired in the mornings, they eat caffeinated foods, gulp energy drinks and pop Aderall and Ritalin ... So tonight many of us will be wide awake listening to the silk worms on our high-priced soun machines, afraid that our souls will leave us, afraid that we have no souls, afraid that with each passing day, this is it." Other Writing Patricia Morrisroe, in "International Herald Trbune", February 2010. and Auguste Rodin (1890), "Fugit Amor", Musée Rodin, Paris.

mercredi 14 avril 2010

Looking

“L'artiste, comme le névropathe, s'était retiré loin de la réalité insatisfaisante dans ce monde imaginaire, mais à l'inverse du névropathe il s'entendait à trouver le chemin du retour et à reprendre pied dans la réalité. Ses créations, les oeuvres d'art, étaient les satisfactions imaginaires de désirs inconscients, tout comme les rêves, avec lesquels elles avaient d'ailleurs en commun le caractère d'être un compromis, car elles aussi devaient éviter le conflit à découvert avec les puissances de refoulement. Mais à l'inverse des productions asociales narcissiques du rêve, elles pouvaient compter sur la sympathie des autres hommes, étant capables d'éveiller et de satisfaire chez eux les mêmes inconscientes aspirations de désir.“ …
Sigmund Freud (1925), "Ma vie et la psychanalyse", Ch. VII, Paris, Idées Gallimard 1971, n° 169. and Henri Matisse, Baigneuse, Exposition Rodin-Matisse, Musée Rodin, Paris, hiver 2010.

jeudi 1 avril 2010

Waking

"Qu'un phénomène psychique qui provoque l'angoisse puisse être cependant l'accomplissement d'un désir, cela n'est pas non plus une contradiction. Nous en connaissons l'explication. Le désir appartient à un système, celui de l'inconscient; le système du préconscient l'a rejeté et réprimé. Mais, même en plein équilibre mental, cette domination du préconscient sur l'inconscient n'est pas absolue. On peut dire que le degré de la répression est en même temps celui de notre santé psychique. Dans la névrose les deux systèmes sont en conflit, le symptôme névropathique représente un compromis qui met provisoirement fin à ce conflit. D'autre part en effet, il ménage à l'inconscient une porte de secours, lui permet de déverser son excitation, de l'autre il laisse encore au préconscient une domination partielle sur l'inconscient. A ce point de vue, une phobie hystérique ou une agoraphobie sont particulièrement instructives. Lorsqu'un névropathe ne peut traverser seul une rue, nous disons avec raison que ce n'est qu'un symptôme. Essayons de réduire ce symptôme en l'obligeant à l'acte qu'il croit impossible. Il aura une crise d'angoisse; d'ailleurs c'est souvent une crise d'angoisse dans la rue qui a été le point de départ de l'agoraphobie. Nous apprenons ainsi que ce symptôme s'est constitué pour empêcher le développement de l'angoisse. La phobie est comme une forteresse-frontière pour l'angoisse ... Ainsi tout comme les autres produits psychiques de cette série, le rêve est un compromis, il est au service des deux systèmes et accomplit les deux désirs dans la mesure où ils s'accordent ... La restriction "dans la mesure où ils s'accordent", indique déjà qu' il y a des cas où le rêve peut échouer. Le processus du rêve est toléré parce que accomplissement d'un désir de l'inconscient. Si pour accomplir ce désir, il heurte le préconscient de telle façon qu'il trouble son repos, le rêve n'est plus un compromis, il n'a pas rempli l'autre partie de sa mission. Aussi est-il immédiatement interrompu et remplacé par un réveil complet. Il ne faut pas accuser le rêve, guardien ordinaire du sommeil, s'il l'a cette fois troublé, cela ne doit pas nous prévenir contre son utilité ... Le trouble alors sert à tout le moins à attirer l'attention sur ce changement et à déclancher les fonctions régulatrices de l'organisme. Je pense ici, on l'a deviné, au cauchemar."
Sigmund Freud (1900), L'interprétation des rêves, ch. 7, IV, in "Le réveil par le rêve, la fonction du rêve, le cauchemar", trad. fr. PUF, 1926. and William Turner (1850), Orage en mer. (1842), Tempête et orage en mer.