"Qu'un phénomène psychique qui provoque l'angoisse puisse être cependant l'accomplissement d'un désir, cela n'est pas non plus une contradiction. Nous en connaissons l'explication. Le désir appartient à un système, celui de l'inconscient; le système du préconscient l'a rejeté et réprimé. Mais, même en plein équilibre mental, cette domination du préconscient sur l'inconscient n'est pas absolue. On peut dire que le degré de la répression est en même temps celui de notre santé psychique. Dans la névrose les deux systèmes sont en conflit, le symptôme névropathique représente un compromis qui met provisoirement fin à ce conflit.
D'autre part en effet, il ménage à l'inconscient une porte de secours, lui permet de déverser son excitation, de l'autre il laisse encore au préconscient une domination partielle sur l'inconscient. A ce point de vue, une phobie hystérique ou une agoraphobie sont particulièrement instructives. Lorsqu'un névropathe ne peut traverser seul une rue, nous disons avec raison que ce n'est qu'un symptôme. Essayons de réduire ce symptôme en l'obligeant à l'acte qu'il croit impossible. Il aura une crise d'angoisse; d'ailleurs c'est souvent une crise d'angoisse dans la rue qui a été le point de départ de l'agoraphobie. Nous apprenons ainsi que ce symptôme s'est constitué pour empêcher le développement de l'angoisse. La phobie est comme une forteresse-frontière pour l'angoisse ...
Ainsi tout comme les autres produits psychiques de cette série, le rêve est un compromis, il est au service des deux systèmes et accomplit les deux désirs dans la mesure où ils s'accordent ... La restriction "dans la mesure où ils s'accordent", indique déjà qu' il y a des cas où le rêve peut échouer. Le processus du rêve est toléré parce que accomplissement d'un désir de l'inconscient. Si pour accomplir ce désir, il heurte le préconscient de telle façon qu'il trouble son repos, le rêve n'est plus un compromis, il n'a pas rempli l'autre partie de sa mission. Aussi est-il immédiatement interrompu et remplacé par un réveil complet. Il ne faut pas accuser le rêve, guardien ordinaire du sommeil, s'il l'a cette fois troublé, cela ne doit pas nous prévenir contre son utilité ... Le trouble alors sert à tout le moins à attirer l'attention sur ce changement et à déclancher les fonctions régulatrices de l'organisme. Je pense ici, on l'a deviné, au cauchemar."


Sigmund Freud (1900), L'interprétation des rêves, ch. 7, IV, in "Le réveil par le rêve, la fonction du rêve, le cauchemar", trad. fr. PUF, 1926. and William Turner (1850), Orage en mer. (1842), Tempête et orage en mer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire