dimanche 29 novembre 2009

Dreams two

"Nous comprenons maintenant combien il importe peu de savoir dans quelle mesure grande ou petite, avec quel degré de fidélité ou d'incertitude on se souvient d'un rêve. C'est que le rêve dont on se souvient ne constitue pas ce que nous cherchons à proprement parler, qu'il n'en est qu'une substitution déformée qui doit nous permettre, à l'aide d'autres formations substitutives que nous faisons surgir, de nous rapprocher de l'essence même du rêve, de rendre l'inconscient conscient (grâce aux associations libres qui viendront à l'esprit ) ... On comprends que le travail d'interprétation s'accomplit à l'encontre d'une certaine résistance qui s'y oppose et qui trouve son expression dans les objections critiques dont nous parlons. On constate que ces objections critiques ne sont jamais justifiées. Au contraire, les idées qu'on voudrait ainsi refouler, se révèlent toujours et sans exception comme étant les plus importantes et les plus décisives au point de vue de la découverte de l'inconscient."
Sigmund Freud (1917-1918) Introduction à la psychanalyse. "Contenu manifeste et idées latentes du rêve". and Pierre Bonnard (1867-1947), In the bathroom

samedi 28 novembre 2009

Dreams

"Selon la définition exacte, mais sommaire, d'Aristote, le rêve est la pensée continuée dans le sommeil, pour autant que l'on dorme. Mais d'où vient que notre pensée qui crée pendant le jour des actes psychiques si divers : jugements, raisonnements, réfutations, attentes, projets, etc ... soit forcée pendant la nuit de s'en tenir uniquement à la production de désirs ? ... Nous pouvons nous demander maintenant d'où vient chaque fois, le désir qui se réalise dans le rêve ? ... Mais d'abord à quel contraste ou à quelle diversité appliquons-nous cette question d'origine ? Je pense : au contraste entre la vie diurne devenue consciente et une activité psychique inconsciente qui ne se manifeste que pendant la nuit. De ce point de vue, l'origine du désir pourrait revêtir les trois aspects suivants:
1° le désir peut avoir été suscité pendant le jour et n'avoir pu se satisfaire par suite de circonstances extérieures; il reste alors pour la nuit, un désir reconnu mais qui n'a pas été accompli;
2° le désir peut avoir surgi pendant le jour mais avoir été rejeté; il nous reste alors un désir non accompli, mais réprimé.
3° le désir peut être sans relations avec la vie du jour et appartenir à cette catégorie de désirs toujours réprimés et qui ne s'agitent en nous que la nuit."
S. Freud, (1900) L'interprétation des rêves, ch.7. III. and Maurice Denis (1870-1943), Dans les branches de l'arbre couché.

jeudi 26 novembre 2009

Killed object

"Winnicott introduisait en outre une autre véritable modification paradigmatique qui consiste à considérer qu'une partie du devenir d'un processus psychique dépend de l'interprétation que l'autre-sujet, celui à qui il est adressé, apporte à ce procesus - de la réponse de celui-ci, donc.
... Ce qu'il décrit à propos du lien à l'objet primaire vaut aussi dans la relation au père et doit être mis en lien avec la question du meurtre du père dans le mythe de la horde primitive: dans ce mythe aussi, le père ne "survit" pas ou mal. Dès lors, la question de la survivance de l'objet, et tout le contexte théorico-clinique qu'elle implique, me sont apparus comme transversaux aux différentes époques et problématiques de la vie et du développement, et donc comme possédant un statut quasi "structural". René Roussillon, La destructivité et les formes complexes de la "survivance" de l'objet, in Détruire, se détruire, Revue Française de Psychanalyse, octobre 2009, t.73, n° 4. and Paolo Cagliari - Paul Véronèse (1528-1588), Allégorie de l'amour, dit Le respect, (1570), The National Gallery, London.

vendredi 13 novembre 2009

Slow wait

"L'état psychique de l'attente, qui est susceptible de mettre en branle toute une série de forces psychiques ayant le plus grand effet sur le déclenchement et la guérison des affections organiques, mérite au plus au point notre intérêt. L'attente anxieuse n'est certainement pas indifférente quand à l'issue de la maladie; il importerait de savoir avec certitude si elle intervient autant qu'on le dit dans le déclenchement de la maladie, s'il est vrai par exemple qu'au cours d'une épidémie les plus menacés sont ceux qui redoutent d'être atteints. L'état opposé, l'attente croyante et pleine d'espérance, est une force agissante avec laquelle nous devons compter, en toute rigueur, dans toutes nos tentatives de traitement et de guérison. On ne pourrait expliquer, sinon, les particularités des effets observables des médicaments et des interventions thérapeutiques ... Les médecins ont de tout temps pratiqué le traitement psychique et jadis encore bien plus qu'aujourd'hui. Si par traitement psychique, on entend la tentative d'éveiller chez le malade des états et des conditions psychiques propres à favoriser sa guérison, alors ce type de traitement médical est historiquement le plus ancien ... A présent nous commençons également à comprendre la magie du "mot". Les mots sont bien les instruments les plus importants qu'une personne cherche à exercer sur une autre."
S.Freud (1890), Le traitement psychique, trad. fr. in Résultats, idées, problèmes, PUF, 1984. and Pierre Bonnard (1867-1947), In the bathroom.

jeudi 5 novembre 2009

Mythical

"Notre conscience ne nous révèle rien des processus qui sont à l'oeuvre dans le vaste domaine de la symbolique sociale. C'est pourquoi nous ignorions leurs règles de fonctionnement, les lois de leurs combinaisons. Il nous manquait un solfège. Derrière la diversité des mélodies, celui-ci explicite les règles qui les engendrent: accord, renversement, transformatons. Il définit les formes: canon, fugue, sonate. Il n'est pas faux de dire que la démarche de Claude Levi-Strauss visait un but analogue. Ce qui l'attirait avant toute chose c'était de découvrir les organisations cachées, les lois sous-jacentes au chatoiement des apparences sociales ... C'est pourquoi derrière le foisonnement déconcertant des règles de parenté, des totems ou des mythes, derrière l'apparent tohu-bohu des échanges économiques et des créations artistiques, il s'est consacré à découvrir, plus qu'une partition unique et isolée, certaines des structures qui les engendrent, indépendamment de la volonté des acteurs et de leurs conscience .... Cette démarche s'attacha d'abord à la parenté. Claude Levi-Strauss abandonna leur face visible pour en dégager les "Structures Elémentaires". Elle se focalisa ensuite sur le totem, dont il éclaira l'enigme. Elle se fixa longuement sur la mythologie dont quatre volumes monumentaux de 1946 à 1971, scrutèrent les transformations et le fonctionnement propre, indépendant des décisions individuelles, des langues, des peuples, voire des lieux et des temps. Ce souci des structures, des combinatoires, des codes de transformation, le rapproche des mathématiciens. Il le rattache aussi à la lignée des philosophes de Platon à Kant, qui ont reconnu la place centrale des processus formels. Enfin là se trouve le coeur de l'oeuvre et ce qu'elle a, à sa manière, de vertigineux. Car dans l'analyse de ces milliers de mythes qui "se pensent entre eux", se répondent sans se connaître, se combinent sans que personne ne l'ait décidé, on voit se dessiner des procédures mentales universelles."
in Le Monde, C. Delacampagne, jeudi 5 novembre 2009 "Claude Levi-Strauss, archéologue des totems et des myhes, l'anthropologue, père du structuralisme..." and Egon Schiele (1890-1918), La famille.