"Cher Monsieur,
Vous n'allez probablement pas admettre une telle interprétation, elle vous sera peut-être même intolérable, mais je ne peux pas l'écarter et elle m'est apparue cette fois ci entièrement confirmée. L'analyse nous fait supposer que la grande richesse, apparemment inépuisable, de situations et de problèmes traités par le poète est réductible à un petit nombre de "motifs originels" qui, dans la plupart des cas, trouvent leur source dans les expériences refoulées de la vie psychique de l'enfant, de sorte que ces œuvres correspondent à des rééditions déguisées, embellies et sublimées des fantaisies enfantines.

Ceci peut être très facilement montre dans la premiere nouvelle (Vingt-quatre heures de la vie d'une femme). Que l'on désigne clairement le noyau inconscient et cela paraîtra répugnant. Le motif est celui de la mère qui initie son fils aux rapports sexuels en s'offrant pour le sauver des dangers de l'onanisme, lesquels paraissent à l'enfant démesurés et mettant sa vie en péril. Certaines personnes se souviennent consciemment d'avoir eu un fantasme de cet ordre pendant la puberté ! Il ne fait jamais défaut à l'inconscient. Il sert aussi de base à tous les poèmes de la libération, par exemple aux opéras de Wagner. Pour l'élaboration poétique l'onanisme est absolument inutilisable et doit être remplacé par quelque chose d'autre; dans votre nouvelle, le jeu est le bon substitut. Le caractère contraignant, irrésistible, les rechutes en dépit des meilleures intentions, le danger mortel sont directement empruntés au modèle archaïque; le premier nom que l'onanisme avait trouve dans la chambre d'enfant était celui de "jeu" - un jeu dangereux, disait-on a l'enfant, soit on devient fou, soit on doit mourir -, et la mise en valeur des mains et de leur activité, à laquelle vous avez procédé avec une si inquiétante maîtrise, est vraiment trop révélatrice ... Vous avez fait travailler votre inconscient !" Sigmund Freud (1926), Correspondance avec Stefan Zweig, Semmering, Berggasse 19, Vienne IX, 4 sept. 1926. and Fontanella del Mascherone, via Giuglia, Roma.
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